mardi 8 avril 2008

Fun Home d'Alison Bechdel

44333387.jpgVoici un ouvrage, sorti en 2006, que l’on m’a prêté (merci Nicolas !). Il s’agit de l’autobiographie graphique de son auteur, Alison Bechdel. Elle y évoque son enfance aux côtés d’un père qui, tout en étant professeur d’anglais en Pennsylavnie, dirige également un « Fun home », c’est-à-dire un salon funéraire. C’est sur cette figure paternelle que s’ouvre et se clôt l’ouvrage, un père dont l’auteur découvrira progressivement l’homosexualité parallèlement à la sienne et dont la mort va prendre un curieux écho très personnel : « La mort de mon père fut une affaire étrange – queer, dans tous les sens du terme. Etrange assurément dans sa déviation du cours normal des choses. Elle était suspecte, peut-être même contrefaite. Elle mit ma famille en fâcheuse posture, elle nous contraria et nous détruisit chacun d’une manière différente. Elle me laissa nauséeuse, défaillante et occasionnellement ivre. Mais par-dessus tout à l’époque, sa mort fut liée pour moi à l’unique sens de queer qui ne figurait pas dans notre énorme Webster ».


588611573.jpg L’intérêt de ce livre, au-delà de son graphisme en noir blanc gris, dépouillé, précis, réside à mes yeux dans la place qu’il laisse à l’écrit, le fait qu’il lie la littérature (Joyce, Proust, Nin…), la chose écrite, à la découverte de la personnalité de l’auteur: elle se découvre dans les romans, dans les définitions de dictionnaire ; elle se découvre dans son journal, dans un une lettre qu’elle adresse à ses parents et dans laquelle elle déclare son homosexualité. C’est cette lettre qui va déclencher l’aveu de sa mère, au cours d’une conversation téléphonique, le « coup de massue » : « Ton père a eu des liaisons avec des hommes ». « Evincée de mon propre drame, je basculai dans l’intermède comique de la tragédie de mes parents ». Plus loin : « Et comme la mort de mon père talonna de près ce coming-out sinistre, je ne pus m’empêcher d’y voir une relation de cause à effet ».

Au-delà de cet événement dramatique, c’est bien de la multitude de mini-drames et de non-dits qui construisent une vie qu’il est question, de toutes ces petites choses qui peuvent pousser dans les cas les plus terribles vers la dépression, ou les TOC, par exemple. L’auteur les aborde ici, mais toujours avec une certaine distance – le père décore la maison comme s’il s’agissait d’un décor de théâtre, la mère se fait actrice - voire un certain humour (le titre « Fun Home » témoigne de cette ambiguité ainsi que son sous-titre : « Une tragicomédie familiale »).


2025601085.jpgJ’éprouve quelques difficultés à montrer toute la richesse de ce livre qui évoque l’aventure familiale dans ses aspects historiques mais aussi géographiques, sans aucun pathos et avec une grande pudeur, un livre qui mélange le fun des funérailles dont on garde toujours une trace même abrégée, et le fun de la découverte du plaisir.


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