mardi 8 avril 2008

Un Homme accidentel de Philippe Besson

c3188d255c87197be6ceb7e2edaf8d9d.jpgLes histoires d’amour finissent mal, en général… et surtout chez les gays, on dirait. Je viens d’en avoir la confirmation avec les lectures successives de Mérovée de Nicolas Jones-Gorlin, Des Amants, de Daniel Arsand et Un Homme accidentel de Philippe Besson.

Résumé de ce dernier ouvrage : un jeune flic tranquille de Beverly Hills (c’est le narrateur), dont la femme attend un enfant, va mener une enquête sur un meurtre et rencontrer un jeune acteur célèbre, Jack Bell qui sera l’unique suspect. Histoire d’amour, passion, conflit, blabla…
[Petite digression : parmi les rôles interprétés par ce Jack Bell, il y a celui d’un « personnage vénéneux et pervers d’ado faisant tourner la tête d’une vieille actrice pathétique, un objet d’adoration dans une histoire crépusculaire. Presque pas de dialogue mais une présence écrasante » (p. 55). c9868db4362aa041df6b5c363a23e4f7.jpgJ’ai immédiatement pensé au rôle joué par Joe Dallesandro dans le film Heat de Paul Morrissey qui raconte une histoire identique. (je pense que le personnage de Jack Bell en est directement inspiré). Tout au long de ma lecture, je n’ai pas été fichu de me sortir la plastique formidable de cet acteur. Fin de la digression.]
Tout d’abord un conseil : ne lisez pas ces trois livres d’affilée sous peine de vous retrouver seul à pleurer dans votre cuisine en écoutant du Arvo Pärt à fond et en dévorant un paquet de fraises Tagada jusqu’à l’écœurement.
Partant du stupide principe que les gens heureux n’ont pas d’histoire et pour pallier un manque certain d’imagination, ces auteurs tartinent de la confiture d’amour douloureux sur fond d’inégalité sociale. Chez Philippe Besson, dans le carambolage confus des sentiments, l’homme ne peut être qu’accidentel (pourquoi pas) mais l’amour est toujours assis à la place du mort (plus discutable). Je ne vais pas trop m’étendre sur ce livre qui a rencontré un certain succès.
Ce qui m’intrigue surtout dans L’Homme accidentel et dans Mérovée c’est la place donnée au personnage du flic (narrateur dans les deux romans). Cela m’a beaucoup fait penser à un téléfilm réalisé par Jérôme Anger et diffusé sur France 3 le 10 novembre dernier : Autopsy. Dans cette histoire, le personnage incarné par Stéphane Freiss, un flic de 45 ans, marié, tombe amoureux d’un médecin légiste qu’il croit impliqué dans un meurtre. 82c1410f39857fe17ecc8a020f5e05ae.jpgRebelote : amour, passion, conflit , blabla…Mais qu’ont-ils donc à devenir tous gays, ces flics ? Pourquoi eux ? Le flic incarne l’hétérosexualité, la virilité assumée, le respect de la loi, l’ordre et le pouvoir. Si je comprends bien, le présenter comme homosexuel, amoureux au point de piétiner la déontologie, permet de lui faire transgresser toutes les règles d’un coup. C’est pratique, accessible à un large public, choquant juste ce qu’il faut pour la ménagère de moins de cinquante ans et ça délivre un message de tolérance molle puisque le gay meurt ou est puni quand même. Cependant, je ne vois pas en quoi transférer une trame archi-revue dans le cadre hétérosexuel chez des gays pourrait la renouveler. Certains penseront peut-être que c’est une bonne manière d’évacuer le cliché du PD-folasse. Si c’est pour le remplacer par un autre cliché aussi peu inventif, aussi étriqué, je me pose des questions. Je m’en pose également sur le style de ces auteurs (à l’exception de celui de Daniel Arsand, superbe) : chez Nicolas Jones-Gorlin : « Ses cheveux étaient trempés de sueur. Et ses yeux ressemblaient à ceux des biches » (p.7). Chez Philippe Besson : « les adolescents mal grandis, les habitués des salles de musculation, les folles flamboyantes, les travelos encombrants, les blacks gigantesques, les chicanos aux yeux de biche » (p. 83). Conclusion : le minet, dès qu’il vient du Sud, a des yeux de biche. Quant aux scènes de sexe (p. 125 chez Besson), elles sont misérables, surtout si on les compare, par exemple, aux scènes hot de Glamorama de Bret Easton Ellis (une référence, rien que d’y penser…).
Ecrire, me semble-t-il, permet tout de même d’accéder à des mondes beaucoup plus riches.
Dernière chose qui n’a rien à voir : p. 107 chez Besson :
« Cet après-midi-là, je ne suis pas rentré directement au bureau, choisissant de marcher dans cette ville où personne ne marche, parce que la voiture y est reine. Il flottait dans l’air un parfum de bougainvillées. Je ne m’y connais pas particulièrement en fleurs mais je sais reconnaître le parfum des bougainvillées, ma mère me l’a appris, je n’ai pas oublié ».

bf0a344c953dad2fe90fbcd4f619d178.jpgIl m’est arrivé, au hasard de mes expériences horticoles et de mes nombreuses aventures botaniques de fréquenter quelques bougainvillées. J’avais pour mission de les tailler et nos rapports furent houleux. Ils sont en effet équipés de longues épines en hameçons qui, une fois dans la peau, vous retiennent douloureusement et vous laissent tout le loisir de les admirer et de les respirer longuement avant de parvenir à vous en défaire. Je suis donc en mesure de le garantir : ces fleurs n’ont aucun parfum (ou alors d’une très grande discrétion). Quelle variété de bougainvillées Philippe Besson a-t-il pu bien sentir ? Quand cet auteur manque d’invention, il réussit à inventer mal. La littérature peut beaucoup mais elle ne peut certainement pas donner de parfum à des fleurs qui n’en ont pas et de l’intérêt à des histoires qui ne sentent que le réchauffé.

d76428bcecc49cf7d220cd0165aede6d.jpgMes livres préférés sont ceux dont je suis persuadé qu’on ne pourra jamais les adapter au cinéma. Le livre de Philippe Besson ferait un téléfilm moyen.

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