mardi 8 avril 2008

Katerine : doublez votre plaisir


On se croit parfois éternellement jeune. Ou plutôt, malgré le démenti formel que nous impose le miroir chaque matin, et que nous faisons semblant de prendre pour le portrait d’un inconnu ou d’un usurpateur, il reste toujours une part de notre esprit qui tente de nous faire croire qu’on a encore quinze ans et demi…alors que ce n’est plus le cas depuis vingt-cinq ans. Je ne veux pas passer mon temps à parler du temps qui passe mais c’est à peu près les réflexions que j’ai pu me faire en repensant à ma découverte du premier album de Katerine et à la première fois que je l’ai vu en concert : ce devait être en 1993. Il y a 15 ans… Bon sang ! Je me rappelle que ce soir là, il faisait la première partie de Miossec, si mes souvenirs sont bons. Nous devions être une cinquantaine dans la salle (un caveau) et le public était visiblement coupé en deux suivant l’artiste que chacun était venu voir. Une partie était réticente, voire réfractaire, l’autre attentive voire subjuguée (c’est moi). C’est à partir de ce jour que j’ai commencé à détester Miossec.
Il est bien loin le temps où, retranché dans ma chambre d’étudiant et tentant de me réchauffer près d’un radiateur à gaz défaillant, j’écoutais Jeannie Longo.

Pour me consoler un peu, et pour fêter nos noces de cristal, Katerine m’offre, grâce à la magie de son dernier livre tel une pampille Baccarat, de doubler ma mémoire. Il est vrai que ces quinze années passées ensemble furent bien remplies, que ses albums ont plus que tourné en boucle à la maison et qu’il fallait peut-être un peu plus de mémoire pour que les disques durent (je sais, elle est facile !).

Bref. Il s’agit d’un journal graphique que Katerine a tenu pendant environ un an. On y trouve des dessins de l’auteur et tous les textes sont des reproductions des manuscrits, fautes d’orthographe comprises. Tout cela serait juste rafraichissant si certaines pages n’abordaient pas des aspects intimes et émouvants du personnage, mais le ton est globalement joyeusement délirant, poétique, onirique. Je ne veux pas trop déflorer l’ouvrage et je ne donnerai donc que quelques courts extraits. 6ef31606c21a9d5c4b5a5d722f03e776.jpgVoici le texte du 29 /12/06 :

A la fin de la journée, je retrouve souvent une petite peluche blottie dans mon nombril. Si j’avais le courage je ferais collection et je tricoterais un pull avec. C’est comme si j’étais une usine fabrique de peluche en permanence sans que je m’en aperçoive. C’est comme si un cordon ombilical de textile ne pouvait s’empêcher de pousser et de repousser !


Un peu plus loin, un exercice d’écriture, avec un cadre réponse, dont voici le sujet :

Commentez cette phrase de Philippe Eveno : « tellement j’déteste, j’adore ». Citez des exemples.
Un peu plus loin, une autre formule paradoxale :



d205130a891514f1b0434ee2f29dc670.jpgJe hais les gens parce qu’ils puent de la gueule et je les aime parce qu’ils puent de la gueule.

Je n’en dirai pas davantage. Je me contenterai d’ajouter l’extrait d’une interview donnée par Katerine au Nouvel Observateur :

J’ai pris plaisir à me jeter dans le public. Je m’en croyais incapable. J’enviais énormément Mathias du groupe Dionysos, quand il plongeait, tel un kamikaze. Je n’en étais pas là. Je me disais : jamais je ne franchirai le cap. Mon premier plongeon, ce fut au village de Beaurepaire, en Vendée, sur le tournage de « Louxor, j’adore ». J’ai plongé dans la foule. C’était le geste pur d’une confiance mutuelle. Dans le public, il y avait des personnes avec qui j’avais eu des démêlés [à l’internat], mais elles étaient là. C’est un geste important qui m’a réconcilié avec le reste de l’humanité, définitivement. J’ai dû faire une dizaine de plongeons. J’ai particulièrement apprécié celui que j’ai fait à Niort, en rappel. Les musiciens n’étaient pas là. J’ai plongé dans le silence, sans musique, c’était complètement impudique. J’entendais les gens parler, un rêve éveillé. Mon plus mauvais plongeon, je l’ai fait en Avignon. Je suis tombé. Mais je n’en tire aucune conclusion sur le Vaucluse. »


On peut plonger sans crainte dans le journal de Katerine, il y aura toujours une page pour nous retenir.

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